Tous les goûts sont dans la nature: par exemple, certains n’aiment pas beaucoup les vins doux (sucrés), tandis que d’autres feraient des bassesses pour un bon sauternes, un coteaux-du-layon ou un beerenauslese allemand ou autrichien. Ou encore, telle odeur bien particulière séduit les uns, tout en braquant les autres…

Côté arômes, le meilleur cas de figure est probablement le nez si particulier du xérès espagnol ou du vin jaune, une spécialité du Jura français.

Voici d’ailleurs ce que dit le Dictionnaire Hachette des vins de France à propos de cette spécialité jurassienne: «Un vin jaune doit sa teinte et son “goût de noix” si particulier à la formation d’un voile de levures à sa surface pendant l’élevage [en barrique] […]»

Difficile coup de foudre...

Dit comme ça, le vin jaune a l’air plutôt inoffensif. Sauf que ce n’est pas du tout évident de l’aimer dès la première gorgée. Comme disent les Anglais, it’s an acquired taste, il faut s’y faire, y prendre goût… En d’autres termes, c’est d’ordinaire tout sauf le coup de foudre.

Si vous ouvrez un vin jaune, sans crier gare, ne vous étonnez pas que certains des convives fassent la moue alors que, pendant ce temps, le reste de la tablée pousse des oh! et des ah!

Oser franchir la ligne jaune

Une telle dégustation est clairement matière à discussion. Il vaut la peine d’en discuter, de parler mérites et particularités. En s’appliquant à déguster son verre malgré tout, en apprivoisant ces odeurs et ces saveurs si particulières, on pourra mieux comprendre, constater que ça se déguste, finalement, pas si difficilement, que le goût noisette persiste longtemps… Et bien sûr qu’avec un bon morceau de comté entre chaque gorgée, l’apprivoisement est encore plus aisé, les arômes du vin prenant une tout autre nature quand on les associe à ce savoureux fromage.

 

ouvre bouteille et bouchon de liegeouvre bouteille et bouchon de liege

Vin jaune et fromage comté: l’un des plus savoureux accords vins-­mets qui soient. On peut remplacer le comté par du gruyère de grotte ou du beaufort. Si l’on veut faire jouer la fibre québécoise, on pourrait lorgner du côté du Louis D’Or (Fromagerie du Presbytère, à Warwick) ou d’un 1608 de la Laiterie Charlevoix.

 

En passant, gardez bien à l’esprit que tous les vins du Jura ne font pas dans le style oxydatif si particulier du vin jaune. On trouve aussi des pinots noirs et des chardonnays très fins, ou des savagnins produits dans un style plus conventionnel, sans l’apport du voile et de l’air.

Du vin jaune à la SAQ

Puisqu’il s’agit d’un goût si particulier, pas étonnant qu’il faut chercher un peu le vin jaune, quand on veut s’en trouver une bouteille. Les appellations varient – tantôt arbois, tantôt l’étoile, tantôt château­chalon, etc. – et les quantités sont là aussi limitées. À noter, par ailleurs, le format particulier de 620 ml, appelé clavelin dans la région.

Conseils pour le service

Le vin jaune, qui est non fortifié, titre autour de 15% d’alcool. À l’étape du fromage – à moins qu’on le serve pendant le repas, par exemple avec un curry de poulet –, une bouteille de 620 ml devrait rassasier six personnes. On pourrait d’abord carafer le vin, qu’on servira ensuite dans tous les cas légèrement rafraîchi, sans plus. Sans l’avoir testé, il est enfin plutôt certain que la bouteille entamée, préalablement conditionnée, se conservera plusieurs jours au frigo.