Difficile de ne pas avoir envie de rêver quand on se trouve devant le domaine Errázuriz, au cœur de la vallée de l’Aconcagua, au Chili. Lorsqu’on voit les vignobles de la maison, plantés dans un magnifique amphithéâtre montagneux faisant face au nord (donc au soleil dans l’hémisphère Sud), on comprend bien comment le fondateur de la maison, Don Maximiano Errázuriz, pouvait déjà voir grand à l’époque — et comment cette inspiration nourrit toujours le maître des lieux actuel, Eduardo Chadwick, grand artisan de l’identité moderne de l’entreprise.

Que ce soit à cause du décor magnifique, des sols volcaniques et alluviaux, du climat ou du savoir-faire — ou toutes ces raisons —, les vins issus de cet endroit sont devenus de véritables références. Au Québec, des cuvées comme le cabernet-sauvignon Max Reserva et le Fumé Blanc remportent, depuis longtemps, un grand succès auprès des amateurs d’ici, grâce à une fiabilité et à une qualité constantes. Depuis près de 40 ans, le Chili est connu pour ses solides vins de cabernet-sauvignon, et Errázuriz est l’un des grands artisans de cette reconnaissance.

Cinq générations d’innovation

Au domaine, la présence côte à côte de deux chais très différents illustre bien le parcours de cette grande famille du vin, et sa volonté de toujours aller plus loin. D’une part, le chai historique de 1870, établi sous les conseils d’un expert bordelais, est le reflet des plus récentes techniques de l’époque et d’un esprit déjà moderne. Il signale aussi une volonté de voir plus loin et d’emprunter des chemins différents: alors que les premiers domaines à planter les cépages français s’installent tout près de Santiago, la capitale chilienne, Don Maximiano a à l’œil un terroir distinctif qui lui semble plus favorable. « Des meilleures terres, les meilleurs vins », annonce-t-il d’emblée.

D’autre part, la cave emblématique Don Maximiano, ouverte en 2010 et située à quelques jets de pierre du chai historique, est un élégant ensemble de béton, de métal et de verre qui tire son énergie du soleil et de la terre (grâce aux panneaux solaires et à la géothermie). Dans un espace en spirale offrant les technologies les plus modernes, Francisco Baettig, directeur technique et œnologue en chef de la maison, travaille avec précision, guidé par une vision bien spécifique de l’élégance et de la finesse dans ses choix de vendanges et de vinification. Son travail méticuleux lui vaut d’ailleurs d’être nommé, en 2018, œnologue de l’année par le réputé critique britannique Tim Atkin. Le nouveau vaisseau amiral signale toute l’ambition — et la réussite — de la maison.

De Santiago à Berlin

Eduardo Chadwick, cinquième génération de la famille à diriger l’entreprise, a donné une renommée mondiale exceptionnelle aux vins de la maison depuis son arrivée en poste en 1983 et c’est, en quelque sorte, le monument qu’il veut laisser à la postérité. Après avoir appris les bases du métier auprès de son père, il poursuit ses études en œnologie à Bordeaux — d’où il ramène plusieurs innovations — au moment même où le Chili commence à se pointer activement dans les marchés internationaux. Alors qu’il travaille à l’expansion des vignobles ainsi qu’à la sélection de clones qualitatifs (notamment de syrah et de carmenère), Chadwick établit, en 1995, une alliance avec le légendaire Robert Mondavi, alliance dont sera issu le Seña, cuvée haut de gamme dont il souhaite faire un standard de qualité reconnu mondialement.

Eduardo Chadwick a rapidement l’ambition de prouver que les sommets qualitatifs sont à la portée des vignerons chiliens, tant pour son pays, que pour son domaine. Alors qu’il voit les portes s’ouvrir aux vins de la Californie grâce au Jugement de Paris de 1976, le président d’Errázuriz monte sa propre épreuve en 2004; le Jugement de Berlin. Il recrute Steven Spurrier, celui-là même qui avait organisé le Jugement de Paris. Chadwick invite 36 juges réputés à évaluer à l’aveugle ses meilleures cuvées – Seña, Viñedo Chadwick et Don Maximiano Founder’s Reserve — aux côtés des meilleurs châteaux bordelais et des super toscans les plus renommés. Un pari audacieux et un triomphe chilien: au score général, les juges placent le Viñedo Chadwick 2000 et le Seña 2001 au premier et deuxième rang, devant Lafite Rothschild 2000 et les châteaux Margaux et Latour 2001 — et loin devant les Solaia et autres Sassicaia. Une fierté dont le vigneron en chef tirera un livre, pour la postérité.

Un peu plus à l’ouest

Alors que la réputation d’Errázuriz se bâtit autour des cépages bordelais, et du cabernet-sauvignon en particulier, la maison se distingue aussi en investissant les terroirs plus frais de l’Aconcagua Costa, à une douzaine de kilomètres à peine des eaux froides du Pacifique Sud. À l’avant-garde du développement de ces secteurs longtemps considérés comme trop froids pour la viticulture, Errázuriz y trouve un endroit propice pour élargir le registre stylistique des vins chiliens. Grâce aux températures plus modérées, le terroir aux sols caillouteux et argileux se montre très propice à la finesse du pinot noir, et à la fraîcheur du chardonnay en particulier, ainsi qu’à des sauvignons blancs éclatants et des syrahs qui ont du nerf. D’ailleurs, le Las Pizarras Chardonnay 2017 est le vin chilien qui a obtenu la meilleure note au classement de Robert Parker avec 98 points. Une façon de plus pour la famille Chadwick de montrer que le Chili sait encore surprendre, autant que satisfaire.

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En collaboration avec Vins Dandurand