Si le contexte particulier et planétaire a eu raison de la semaine des Primeurs dans sa forme classique, le monde du vin, comme les autres, a su se réinventer pour permettre à l’industrie de se prononcer. Le verdict? Élégance et droiture sont au rendez-vous, ainsi qu’une magnifique fraîcheur. On parle d’un millésime à l’esthétisme rappelant celui du Médoc, soit présentant une puissance en retenue et beaucoup de raffinement. L’expression aromatique des vins est superbe; ils sont à la fois purs et complexes. Si une qualité quasi irréprochable traverse tous les vignobles, les appellations saint-julien, pauillac, saint-estèphe et saint-émilion sont particulièrement acclamées.
« Un millésime qui flirte avec la perfection ».
Bruno Borie, Château Ducru-Beaucaillou
Un vin en primeur est vendu en avant-première, avant même d'avoir été embouteillé. Ce système de vente bien bordelais et lancé chaque printemps par une semaine de dégustation intense où les producteurs accueillent journalistes, critiques et acheteurs pour goûter le jeune millésime, récolté l’automne précédent et toujours en barriques, pour évaluer ses qualités et son potentiel. Le verdict de la presse spécialisée, favorable ou non, influence les prix fixés par les châteaux par la suite. On parle alors de sortie sur la place de Bordeaux, où les acheteurs internationaux se procurent les vins convoités pour leurs marchés respectifs.
En raison de leur petite production, beaucoup de ces grands vins sont vendus exclusivement en primeur. Cette prévente offre donc au public une chance de mettre la main sur des bouteilles rares. Ce système de vente permet aussi d'éviter la hausse de prix qui survient durant les deux années qui séparent la vente en primeur et la commercialisation des bouteilles, une fois leur élevage en fût de chêne terminé.
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Vignoble caractérisé par son sol à dominance argilo-calcaire, cet environnement particulièrement propice au cépage merlot, qui y est majoritaire, confère aux vins une rondeur envoûtante dans laquelle s’allient puissance, finesse et élégance. Et en ce millésime d’exception, les surprises se font nombreuses !
Berceau des vignobles les plus prestigieux de la Rive Droite, le Libournais affiche un nombre impressionnant de cuvées magistrales cette année.
Saint-Émilion y livre des vins où le merlot est tout à fait flamboyant et aromatique, alors que le cabernet franc s’exprime avec précision par des parfums de fruits noirs bien juteux et empreint d’une salinité. Sans équivoque, l’acidité et la souplesse des tannins forment une symbiose parfaite dans un ensemble toujours savoureux et exquis. À propos du millésime 2019 d’Angélus, Hubert de Boüard de Laforêt nous dit « Personnellement, je crois qu’il pourrait être plus grand que notre 2018 ».
À Pomerol, les vins se montrent plus enrobés et puissants. Leurs parfums éclatants regorgent d’effluves entremêlant le cassis, la griotte, la violette, le cèdre et parfois la truffe, le tout dans une structure tannique à la fois dense et soyeuse. Des crus racés, complexes et envoûtants sont en devenir !
Vignoble caractérisé par ses sols plus graveleux, cet environnement particulièrement propice au cabernet-sauvignon permet aux vins d’acquérir une charpente imposante. En plus de leur complexité et leur émouvante persistance aromatique, ces crus distingués et séduisants dévoilent un potentiel de garde évident… Tant de bonnes raisons pour faire provision !
Vincent Millet, directeur d’exploitation chez Calon Ségur, confirme la race du terroir de St-Estèphe : « Ce qui fait l’originalité du millésime 2019, sa caractéristique, c’est cette touche de salinité en finale, qui invite à reprendre une nouvelle gorgée… dans notre jargon, nous appelons cela l’appétence, et c’est la marque des très grands millésimes ».
Toujours parmi les plus convoités, le vignoble de Pauillac abrite tout de même trois des cinq Premiers Grand crus classés de 1855. Ici aussi, le terroir a parlé en ce millésime grandiose. Ampleur, noblesse et équilibre forment un trio gagnant.
Et du côté de Margaux ? Pour Thomas Duroux, directeur général du Château Palmer, « les merlots ont bénéficié jusqu’au bout de conditions climatiques sèches et ensoleillées, donnant naissance à des vins pleins de puissance, d’exubérance et de chair. Les cabernets, vendangés après les pluies éparses de la fin septembre, ont fait preuve de plus de retenue, produisant des vins d’une rare distinction ». Cela promet, alors que l’appellation est reconnue pour ses vins tout en finesse et en longueur, avec ce velouté qui en font sa renommée.
Et enfin pour Saint-Julien, le directeur général du Château Lagrange, Matthieu Bordes raconte : « le millésime 2019 est élaboré à partir des plus petites baies de raisins jamais observées sur le domaine depuis 36 ans. Le vin est riche, puissant, mais ce qui surprend c’est sa fraîcheur et sa buvabilité, très suave, très onctueux. »
Berceau des plus grands vins blancs secs de Bordeaux, ceux de Pessac-Léognan y sont très expressifs. Une véritable palette aromatique mêlant les fruits jaunes, la fleur d’acacia, le pamplemousse et la mangue fraîche les définit. À la fois onctueux et désaltérant dans ce millésime, certains manifestent même de magnifiques expressions minérales.
Du côté des vins rouges, l’équilibre résonne aussi. Ils y sont tout simplement fringants, juteux et concentrés, dévoilant des parfums de cassis, de réglisse et de fraise des bois, parfois aussi pourvus d’une nuance fumée. Juste ce qu’il faut, sans exubérance et pourvus d’une structure tannique toute en rondeur.
Alors que des conditions estivales magnifiques se sont installées jusqu’à la fin septembre, l’apparition de la pourriture noble dans ces terroirs uniques au monde s’est déroulée au début octobre. Les raisins déjà éclatants de fruits, le phénomène a magnifié la pureté et la franchise de la récolte pour produire des vins vibrants, gourmands et d’une persistance aromatique sans équivoque. À redécouvrir sans hésitation !