Quand Akim et Abdel Acacia ont lancé leur restaurant à Montréal, ça devait être un pop-up de 30 jours, «juste pour voir ce que ça donnait». Cinq ans plus tard, Piklìz n’a finalement jamais dérougi de son succès. Le resto est devenu un incontournable pour quiconque veut découvrir une cuisine haïtienne et caribéenne réinventée, teintée d’influences multiculturelles et du désir des deux frères de partager leur héritage. Il faut dire que dès leur enfance, papa Acacia a transmis à ses fils une vision ouverte et moderne de la cuisine. «Il faisait le meilleur bœuf et brocoli façon haïtienne!», raconte Akim. Ce mélange de cultures, aujourd’hui au cœur de leur cuisine, se retrouve notamment dans leur poutine au griot, version haïtienne du classique québécois. Selon Akim, Piklìz est bien plus qu’une adresse où l’on va pour bien manger – c’est un bain de culture caribéenne. 

Au menu: immersion culturelle extra soleil

«Quand les gens viennent, ils ne viennent pas seulement pour la bouffe, mais aussi pour échanger avec moi qui est souvent au service, pour la playlist minutieusement concoctée, le décor, le fait que c’est petit, mais chaleureux… Ça devient vraiment une expérience chaque fois sur plusieurs volets; une célébration à la façon haïtienne!»

Akim Acacia

Un héritage qui se partage

Si Piklìz «facilite l’accessibilité de la bouffe haïtienne pour tout le monde», il se distingue aussi des restaurants traditionnels haïtiens à bien des égards. L’un des objectifs des deux frères était d’ailleurs de faire découvrir une autre facette de la cuisine haïtienne. Akim explique que «l’une des raisons pour lesquelles on a voulu ouvrir le resto, c’est entre autres parce qu’on était tannés d’être représentés par des casse-croûte; par cette fameuse montagne de riz et de viande servie en mode réchaud. On voulait montrer qu’on mange un peu plus raffiné, plus varié.»

Il renchérit en faisant valoir que l’héritage français, espagnol et africain de la Perle des Antilles confère à la cuisine caribéenne une grande richesse. «Il y a beaucoup de choses moins connues qu’on essaie de faire découvrir. Je pense qu’il y a place à ce qu’on montre encore plus tout ce qu’il y a dans cette cuisine-là.» Si Piklìz s’affiche comme un restaurant caribéen plutôt qu’haïtien, Akim explique que «c’est pour nous donner l’espace de montrer vraiment tout ce qu’on cuisine chez nous et toutes nos influences. Je crois que ça aussi, ça nous distingue, avec l’offre et la variété.» 

 

Un héritage qui se partage

On a demandé à Akim de nous parler de quelques-uns des plats emblématiques qui composent leur menu, le tout accompagné de quelques propositions d’accords pour s’initier à cette cuisine haute en saveurs, ou pour la redécouvrir avec grand plaisir.

Griot: «Le griot, c’est LA référence en matière de bouffe haïtienne au Québec. En Haïti, c’est considéré comme du street food. C’est comme une gâterie qu’on mange sur le pouce, pas nécessairement en repas à la maison. C’est précuit pendant 3 h, après c’est frit, c’est croustillant… Il y a quelque chose de tellement réconfortant là-dedans qui explique que c’est si populaire. Tu dis Haïti, tu dis griot, t’sais!» 

On boit quoi avec ça? Ti-punch

Kokoye: «Kokoye, ça veut dire “noix de coco” en créole», explique Akim. En Haïti, c’est aussi le nom d’une friandise de noix de coco fondante et croustillante souvent offerte par les marchand(es) de rue. Mais chez Piklìz, on en a fait un plat de crevettes en sauce. «C’est plus léger, on s’éloigne de la friture. Mais c’est réconfortant aussi. C’est mon go-to quand j’ai envie de quelque chose d’un peu plus santé et raffiné», confie Akim.

Accras: Tout le monde connaît ces boules de poisson frites souvent servies en entrée ou l’apéro. Or, Piklìz en a fait une version végane qui confond les sceptiques. «On les prépare avec les épices traditionnelles haïtiennes ‒ qu’on appelle simplement “épis” ou “tout trempé”: persil, échalote, poivron, sel, lime… et qu’on utilise dans pratiquement TOUT dans la cuisine haïtienne! C’est drôle parce que les gens pensent souvent qu’ils sont faits avec du poisson.»

Carne asada: «Notre version du steak-frites!», dit Akim. Mais le carne asada ne serait-il pas plutôt inspiré de la cuisine latino-américaine? Effectivement, «c’est une recette qui me vient de mes amis guatémaltèques», explique-t-il. «On garnit le steak d’un chimichurri fait avec les épices haïtiennes et d’un pikliz aux échalotes au lieu du pikliz traditionnel, et on sert le tout avec des frites.»

 On boit quoi avec ça? Cabernet franc de la Loire

Bol végé: Bon, peut-être pas un plat exclusivement caribéen en soi, mais la version de Piklìz propose un mélange éclectique d’ingrédients et de saveurs d’Haïti et d’ailleurs: «frijoles [haricots], riz collé, salade de kale, tomates, guacamole, chips de plantain, pikliz…» Mais au fait, qu’est-ce que le pikliz? C’est LE condiment qu’on retrouve sur toutes les tables haïtiennes ‒ un mélange (très!) relevé de chou râpé, de piments forts et de carottes.

Et au-delà des accords mets et boissons, qu’est-ce que Piklìz propose pour bien accompagner ces mets? «Tout ce qui est festif!», déclare Akim en riant. «Chez nous, on laisse l’aspect corporatif et sérieux de côté. Le sourire est au rendez-vous, c’est sans prétention, on aime que les gens se sentent bien. On met beaucoup d’attention là-dessus. On fait bien les choses, mais sans jamais se prendre trop au sérieux.» Comme le dit si bien l’inscription en créole sur leur vitrine: «Mets-toi à l’aise». Un message simple, mais qui résume bien ce que représente Piklìz: un espace où la cuisine devient une véritable courroie de transmission culturelle.