Le café, même si on pense surtout au liquide énergisant qui en est tiré, est d’abord le fruit d’un arbuste, le caféier, dont les arômes et les différentes caractéristiques dépendent de ses conditions de production. Les sols, l’exposition au soleil, la pluie, la chaleur, l’altitude, la variété de caféier, entre autres, affectent fortement le parfum et le goût du café qui en est issu. Il y a une quinzaine d’années encore, peu de ces différences parvenaient jusqu’à nos tasses – en tout cas, rarement de façon aussi distincte et bien identifiée. Les responsables des assemblages pour les compagnies productrices de café connaissaient bien les différences entre les grains provenant d’Éthiopie, de Colombie, du Brésil ou du Kenya. Côté consommateur, on s’intéressait davantage au degré de torréfaction, plus pâle ou plus foncé, et on allait rarement plus loin que le pays d’origine pour le définir de manière plus précise.

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Nuance et qualité

La troisième vague a complètement transformé cette perception du café. Au moment où l’on nous encourage à le déguster avec la même méthode et la même attention que le vin, bien des torréfacteurs fournissent des cafés provenant d’une région spécifique, d’une seule plantation, voire d’un seul champ. Ce nouvel intérêt envers l’origine du produit rejoint celle qui a cours dans le monde du vin: un coteau exceptionnel devient un peu comme un grand cru de Bourgogne ou un cru de Barolo, avec ses conditions et ses caractéristiques bien typées et particulièrement appréciées. L’Éthiopie est prisée pour ses cafés intenses, très fruités et floraux, le Brésil pour la douceur de ses grains, l’Amérique centrale pour ses notes de cacao et d’épices, le Kenya pour son acidité particulière, l’Indonésie pour des saveurs chaleureuses et intrigantes. Les sacs de café portent désormais des notes de dégustation qui mettent en valeur des arômes aussi diversifiés que la fraise, le cacao, le gingembre, les champignons ou le citron.

À l’instar des fanatiques du vin qui aiment se faire surprendre par des cuvées venues du Liban, d’Uruguay ou de régions oubliées d’Espagne et d’Italie, les amoureux du café s’allument en découvrant un café provenant du Laos, d’une plantation mythique du Panama, ou encore un café «naturel», dont les grains ont été séchés dans leur pulpe, plutôt que séparément, comme c’est généralement le cas. Devant cette recherche généralisée de qualité et de personnalité, les différentes régions cherchent à révéler leur potentiel et leurs particularités. «Ce que j’aime le plus, un peu comme avec le vin, c’est de me retrouver avec quelque chose d’inattendu dans ma tasse,» raconte Anthony Benda, patron des cafés Myriade, à Montréal. «Ça m’arrive de plus en plus, à mesure que les pays producteurs rehaussent la qualité de leur production. Je n’ai jamais beaucoup aimé les cafés du Nicaragua, qui prenaient souvent un goût de bois et qui avait peu de dimension. Récemment, j’en ai bu qui ont du mérite et que je servirais avec plaisir.» L’accès à des cafés de qualité, nuancés et spécifiques, s’est beaucoup élargi depuis quelques années, se réjouit-il.

Les nuances en question se manifestent même jusque dans les millésimes, ajoute Vincent Hamel, copropriétaire de Nektar Caféologue, à Québec. «Ça fait neuf ans qu’on est ouvert, et il y a certaines plantations qu’on a chaque année depuis le début. On a pu voir qu’il y a de meilleures et de moins bonnes années, et que le profil de goût change en fonction de la saison.» Cela dit, contrairement au vin, conserver les meilleurs millésimes ne donnerait rien: les grains de bonne qualité se retrouvent sur les rayons quelques mois après la récolte, et il est bon de profiter de leur fraîcheur.

L'importance du service

Une autre grande différence avec le vin se manifeste au moment du service. Mouture, chaleur et qualité de l’eau, infusion avec filtre ou sans filtre, le modèle de machine, utilisation de lait (et si oui, lequel), tout ça vient affecter considérablement la dégustation, alors que le vin se sert plus simplement – on ouvre la bouteille et on la sert à la bonne température. Trois personnes différentes, utilisant les mêmes grains et la même machine, produiront probablement trois cafés différents, parce que leur doigté n’est pas le même.

«Les paramètres de dégustation sont complètement différents, aussi: la crema, la texture, les amers, etc.,» ajoute Élyse Lambert, devenue depuis trois ans sommelière en café pour Nespresso, en plus de son expertise mondialement reconnue en vin. Bref, la culture et la différentiation du vin et du café sont peut-être dans le même registre, mais pour ce dernier, le produit dégusté dépend beaucoup plus des interventions qui sont effectuées en fin de parcours.