Hugo DuchesneHugo Duchesne

Questions en rafale

Hugo Duchesne : meilleur sommelier des Amériques?

1. Comment le détenteur d’une maîtrise en littérature en arrive à représenter son pays au concours Meilleur Sommelier des Amériques?

J’ai eu la chance, lors de mes études, de travailler à la Fromagerie Hamel. Le propriétaire était un grand amateur de vin, très modeste et aucunement prétentieux. Lors de grosses journées, ça lui arrivait d’ouvrir une bonne bouteille et de la partager avec moi et les autres employés. Ces flacons avaient des noms, des indications géographiques, des cépages… ça me fascinait. Avec l’équipe, on allait parfois au restaurant où on nous présentait la carte des vins. De voir la maîtrise des sommeliers sur la provenance des produits, leurs propositions d’accords et la qualité de leur service, ça me dépassait. Je crois que mon amour du vin a commencé là. Il faut peut-être tracer un lien entre l’expression littéraire, le désir d’apprendre, la lecture, le goût de la découverte, la rigueur et d’appliquer ça dans une vocation sensorielle comme la dégustation et le service du vin.

2. Peux-tu nous résumer en quoi consiste un concours de sommellerie?

C’est le paroxysme de tout ce que demande une salle à manger. Ça dépasse le vin. C’est une maîtrise absolue des connaissances et du service des eaux, des cafés, des thés, des cocktails, des spiritueux, des sakés, des bières... Le sommelier est confronté à une série d’épreuves théoriques et pratiques extrêmement corsées dans des temps impartis. Dégustations à l’anonyme écrite et parlée, correction d’une carte des vins, décantation, réalisation de cocktails, propositions d’accords vins et mets, répartition égale d’une bouteille pour plusieurs convives, le tout en gérant le stress, le temps et dans une langue seconde.

3. Quel type de préparation exige un tel concours et depuis quand t’y prépares-tu?

Concours ou pas, il faut avoir une assiduité de lecture et d’études au quotidien. C’est très rare que le candidat qui monte sur la plus haute marche du podium n’a pas l’une des trois meilleures notes à l’examen théorique. Trois à quatre mois avant le concours, je planifie des séries de dégustation de vins et de reconnaissance de spiritueux plusieurs fois par semaine, tout en pratiquant mon service aux tables hors salle et sur le plancher lorsque le restaurant est ouvert. Depuis novembre, j’accorde trente heures par semaine à ma préparation. Les restos qui m’emploient m’aident beaucoup en me fournissant des échantillons de vins, de spiritueux et le local pour m’entraîner. Je me sens privilégié de pouvoir également compter sur Alain Bélanger (3e place au concours Meilleur sommelier du Monde 2000) et sur une équipe aguerrie qui me passent dans le tordeur et me disent ce que je ne fais pas de correct.

4. Comment se démarque-t-on des meilleurs de la profession à un tel concours?

Rendu là, tout le monde est fort. Celui qui sera capable de mieux gérer son stress et de faire sentir aux membres du jury qu’ils sont des clients en salle à manger et qu’ils sont servis de la même façon qu’ils le seraient un samedi soir gagnera le concours.

5. Depuis plusieurs années, la sommellerie québécoise fait bonne figure à l’international. Qu’est-ce qui explique ce phénomène selon toi?

La SAQ y joue pour beaucoup. Les candidats québécois, grâce au monopole et aux importations privées, ont accès à des vins de partout que ne peuvent se permettre d’autres sommeliers sur une base régulière. Le fait d’être obligé, en termes de réalité sociolinguistique, de maîtriser une langue seconde comme l’anglais, nous donne un avantage non négligeable sur d’autres candidats. Il y également nos prédécesseurs qui ont ouvert la voie. Les performances des Chartier, Bélanger, Caron, Lambert, Rivest, Villeneuve et Soulière nous ont complètement décomplexé au reste du monde. La sommellerie est forte au Québec. Il y a une forme de pérennité dont je fais partie maintenant et c’est à mon tour de donner au prochain.

6. Que représenterait une première place dans ton parcours professionnel?

Gagner te donne un laissez-passer pour le concours Meilleur Sommelier du Monde. Ce qui n’est pas rien dans un CV après la fromagerie! C’est davantage un capital symbolique que financier. Gagner te permet de mettre un pied dans la porte internationale. Du jour au lendemain, la résonnance de ton nom est mondiale. De mon côté, j’aimerais utiliser cette lumière pour éclairer Montréal, le Québec, le monde chez nous!

7. Si une première place donnait l’opportunité d’ouvrir une bouteille de ton choix à partager avec tes proches, quelle serait-elle?

J’ai le goût de dire que je ne la connais pas encore cette bouteille! On devrait plutôt parler d’un format que d’une bouteille! Au Coureur des bois on a un 6 L 1989 de Montrachet du Domaine de la Romanée-Conti! Dans ma tête et mon cœur, c’est elle que j’ouvrirais avec ma « gang »!

Bonne chance Hugo, le Québec est derrière toi!