Y a-t-il quelque chose que la région du Val de Loire ne sait pas faire? Le registre de ses vins est large et délicieux, et la finesse est au rendez-vous. Pas moins de 24 cépages rouges et blancs, 51 appellations et 6 IGP se côtoient dans le Val de Loire, cœur de cette longue vallée viticole situé entre Nantes et le Centre-Val de Loire. De quoi donner une vaste gamme de nuances fruitées et florales à des cuvées qui se boivent aisément.
Pour Pascaline Lepeltier, native de la Loire et lauréate, en 2018, du titre de Meilleur sommelier de France et de celui de Meilleur ouvrier de France en sommellerie, la fraîcheur et le caractère accessible des vins de la région représentent des atouts exceptionnels: «Ce sont des vins super buvables par leur structure acide qui apporte de la fraîcheur – aujourd’hui, c’est un bel avantage. En plus, les prix sont imbattables, tant pour les cuvées de soif que pour les vins qu’on garde vingt ans. Et tu as tous les styles.»
De tout pour vous
Le caractère frais et la palette aromatique accessible et raffinée des vins ligériens se combinent admirablement. On peut servir les vins du Val de Loire dans une variété de circonstances. Prenons par exemple les accords classiques comme les Touraine blancs à partir de sauvignon blanc avec des fromages de chèvre, les muscadets faits de melon de bourgogne avec les huîtres et autres coquillages, ou les Vouvray (chenin blanc) bien mûrs avec des volailles. Un beau cabernet franc comme le Saint-Nicolas-de-Bourgueil éclatant de fruits rouges fera merveille sur une grillade simple. Certains gamays de Touraine seront les compagnons parfaits de charcuteries servies sans façon.
Les vins effervescents comme le Crémant de Loire, souvent faits de chenin, conviennent parfaitement pour l’apéro et les bouchées salées, tandis que les vins liquoreux tels que le Coteaux-du-layon appellent le foie gras ou les desserts aux poires ou aux amandes, voire les fromages bleus. Des tartares de poissons ou des ceviches feront bien écho à la vivacité des blancs faits pour boire en jeunesse, tandis que les sauces aux champignons se marieront superbement avec des cuvées plus sérieuses, élevées en barriques, au profil généreux et au fruité bien présent.
Le climat modéré de la Loire, ni trop chaud ni trop frais, contribue au côté digeste des vins et à leur belle présence aromatique. On peut envisager d’ouvrir une bouteille alors qu’on est au soleil, sur son balcon ou sa terrasse, et de siroter gentiment le vin en profitant de sa fraîcheur.
Impossible de s’ennuyer, aussi, puisque la diversité des styles est à peu près infinie. «On trouve un beau mélange de tradition et d’expérimentation. Je vois une région qui est au début d’une grande évolution qualitative,» résume la sommelière française installée à New York. «Chaque appellation arrive désormais à produire des gammes qui sont cohérentes. Les vignerons ont compris leur importance, sans négliger les entrées de gamme,» ajoute-t-elle encore.
En rouge, les cabernets francs ont affirmé leur fruit et éliminé les notes de poivron qui pouvaient toucher même les grands domaines, explique-t-elle par exemple. Que ce soit pour un cabernet de soif, produit pour faire ressortir le fruit ou dans une cuvée de vieilles vignes faite pour se bonifier pendant des décennies, les techniques se sont raffinées et la précision est rehaussée, tout comme le plaisir facile de la dégustation.
Des blancs de style
Rien n’incarne mieux la polyvalence du Val de Loire que le chenin blanc, dont on tire à peu près tous les styles de vins, des bulles fines et vives aux vins liquoreux profonds et amples. «C’est le meilleur cépage du monde, pour moi, un cépage magique qui a longtemps été un peu maltraité,» souligne Pascaline Lepeltier. «Aujourd’hui, on trouve tout le spectre des saveurs, de la lime dans les vins de maturité légère à des notes de fleurs et de coings dans des vins de maturité plus tardive. On peut avoir des chenins de cuve, vifs et faits pour l’apéro, comme des chenins élevés en barriques qui vont rappeler de grands hermitages et avoir toute la profondeur des grands vins – et ça fait bien en bulles, en plus. Le chenin sur schiste ne goûte pas du tout comme du chenin qui a poussé sur du calcaire. De plus, il y a des éléments tanniques qui viennent soutenir la structure et avec son acidité, c’est très rare qu’on aura des vins pâteux, même si c’est très mûr. On dirait plutôt qu’ils ont de la gnaque – du nerf, quoi.»
L’énergique sommelière se réjouit aussi de voir le sauvignon blanc affirmer plus fortement sa personnalité régionale. Les vignerons soignent leur viticulture, se tournent plus vers le bio et cherchent l’affirmation des terroirs et des particularités locales, en mettant moins l’accent sur une carte variétale similaire aux sauvignons du nouveau monde. La Loire possède une longue tradition de terroir, rappelle-t-elle : «À Sancerre, les moines avaient défini les climats avant même la Bourgogne et c’est quelque chose qu’on travaille beaucoup à faire ressortir, aujourd’hui.»
Dans des appellations comme Sancerre ou Menetou-Salon, on met en valeur les meilleures parcelles, on travaille des vinifications qui favorisent une expression plus ouverte du cépage. «On travaille moins en réduction et on sent que les vins commencent à se lâcher. Les vins s’expriment bien différemment sur des terroirs distincts, avec des notes exotiques comme l’ananas sur des terroirs plus chauds comme des marnes, ou encore un côté très exubérant en jeunesse sur des terroirs de silex. Les appellations bougent beaucoup et les vins gagnent en complexité.»
En plus, les vignerons ligériens n’ont de cesse de valoriser de nouveaux terroirs – ou de remettre en valeur des terroirs historiques oubliés dans les détours de l’histoire, en particulier après la crise du phylloxéra qui avait dévasté les vignobles européens à la fin du 19e siècle. Pascaline Lepeltier pense par exemple à la remise en valeur du côt (nom local du malbec) dans les environs d’Amboise, d’où commencent à émerger des vins gouleyants et accessibles.
Bref, on n’a pas fini de découvrir ce magnifique coin de terre et ses trésors viticoles, variés à souhait tout en restant des plus faciles à aborder. On a soif juste à y penser.
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