Quand le vin est tiré, il faut le boire, dit le dicton. Toutefois, comme le dit une autre phrase célèbre, la modération a bien meilleur goût, et on doit régulièrement reboucher une bouteille entamée pour la finir une autre fois. Plusieurs inventeurs ont donc imaginé des solutions permettant de conserver le vin en bon état plus longtemps. Des outils utiles pour l’amateur à la maison, comme pour les restaurants qui servent des vins au verre.


Pour voir si ces outils font vraiment le boulot, nous avons mené un banc d’essai avec deux vins – un rouge et un blanc – et l’assistance d’un sommelier professionnel, Kler-Yann Bouteiller, pour suivre l’évolution des vins sur plusieurs jours, suivant quatre méthodes de conservation, certaines toutes nouvelles, d’autres établies depuis longtemps.

Les outils

Quatre systèmes de conservation du vin ont été utilisés pour cette expérience, chacun offrant un principe de fonctionnement distinctif.

Vacuvin

En vente depuis trois décennies, le Vacuvin est une petite pompe accompagnée de bouchons souples qui permettent d’enlever l’air de la bouteille. Le principe est très simple : moins d’air, moins d’oxydation, meilleure conservation.

AntiOx Pulltex

Ce bouchon souple, fait de silicone, est équipé d’un filtre au charbon qui vient s’apposer au goulot de la bouteille. La compagnie indique que le filtre réduirait le contact avec l’oxygène – une affirmation un peu étonnante, puisque l’air n’est aucunement retiré de la bouteille. Apparemment, le filtre pourrait minimiser les impacts des bactéries qui affectent le vin. AntiOx Pultex

Private Preserve

Une petite bonbonne contenant un mélange de gaz neutres (azote, CO2 et argon), qu’on vaporise dans la bouteille à l’aide d’une longue paille. La couche de gaz envoyée dans la bouteille crée une barrière entre le vin et l’air, ralentissant ainsi l’oxydation. Private Preserve

Coravin

Ce système utilise une aiguille creuse qui traverse entièrement le bouchon. En appuyant sur un bouton, on fait sortir une certaine quantité de vin, remplacée dans la bouteille par un volume équivalent d’un gaz neutre, l’argon. L’aiguille retirée, le bouchon se referme autour du trou, de façon essentiellement étanche. L’absence complète d’entrée d’air permet de maximiser la durée de conservation. Coravin

L’objectif était en partie de vérifier si le Coravin, un système jugé révolutionnaire à plusieurs chapitres, mais aussi passablement coûteux, domine vraiment les autres systèmes offerts sur le marché.

Le Coravin se targue en effet qu’une bouteille entamée avec son système peut rester fraîche pendant des semaines, voire des mois, tout en permettant à l’amateur d’en déguster un verre de temps en temps. En effet, le vin est extrait de la bouteille sans qu’on ait besoin de la déboucher, ce qui donne une protection assez optimale. Son coût se compte toutefois en centaines de dollars, plutôt qu’en dizaines. Le jeu en vaut-il la chandelle?


Et le gagnant est…

Au terme des tests et dégustations multiples (à l’aveugle, pour Kler-Yann Bouteiller), les résultats sont assez nuancés. La conclusion ? Sur une période de deux ou trois jours, tous les systèmes réussissent à conserver les vins dans un état plus qu’acceptable et même agréable. Au demeurant, la plupart des bouteilles survivront très bien pendant 24 heures sans système de conservation. Si vous avez l’habitude de boire une bouteille en deux repas – un blanc avec le poulet du mardi soir et le poisson du vendredi, par exemple –, toutes ces options sont bonnes. Même le bouchon AntiOx, dont le principe opérant nous causait le plus de scepticisme, se montre assez compétitif.

Chaque méthode semble avoir ses plus et ses moins. Le Vacuvin montrait des vins très fidèles à l’ouverture, à court terme, mais leur état était moins concluant à plus long terme. Si l’AntiOx conservait le vin rouge de façon éclatante, le blanc perdait vite son expression. Le Private Preserve, lui, présentait des vins très beaux en bouche, mais plus neutres au nez. « Quand j’utilisais ça, en restauration, j’avais souvent l’impression qu’il fallait redonner un peu d’air au vin pour que le nez reprenne son éclat », explique Kler-Yann Bouteiller, après avoir constaté la même chose, à l’aveugle, lors de notre banc d’essai.

Dans le cas du rouge, un vin assez tannique, jeune et fringant, la bouteille sous Coravin gardait même un côté un peu trop astringent qui disparaissait avec les autres techniques moins étanches. L’exposition à l’air, inévitable avec les autres systèmes (puisqu’il faut ouvrir la bouteille), est dans ce cas un avantage. À l’inverse, si une bouteille a patiemment vieilli à la cave, le fait d’éviter toute entrée d’air est un atout précieux : un vin plus âgé et plus fragile sera susceptible de perdre son éclat assez rapidement, après avoir été exposé à l’air libre. Autre limitation, on ne peut pas utiliser le Coravin avec un vin sous capsule à vis, contrairement aux autres méthodes.

Le coureur de fond

L’intérêt particulier du Coravin consiste à permettre une conservation à beaucoup plus long terme que les autres. En dégustant les vins une dernière fois, neuf jours après l’ouverture, seuls ceux qui avaient été conservés sous Coravin gardaient leur caractère du début, les vins restant tout à fait frais, voire éclatants.

S’il restait quelques traces de fruit dans les deux vins gardés sous Private Preserve, et un peu de fruit noir dans le rouge du Vacuvin, la fatigue était évidente dans tous les cas, et l’oxydation très avancée dans le cas de l’AntiOx. Hors Coravin, rien n’était encore vraiment agréable à boire. Si on parle de plusieurs jours, voire de plusieurs semaines, le Coravin devient la seule vraie option.

De plus, le Coravin offre à l’amateur une autre et attrayante possibilité : avoir accès simultanément à plusieurs vins, un peu comme si on avait son petit bar à vin chez soi. On hésite à ouvrir plusieurs bouteilles différentes de front, si elles sont appelées à se dégrader. Avec le Coravin, il devient tout à fait possible de prendre un verre de trois vins différents le même soir, et d’y revenir dix jours plus tard. Un luxe qui pourrait justifier l’investissement…

La méthodologie

Pour tester les quatre systèmes, nous avons acheté quatre bouteilles d’un blanc (le Gentil de Hugel 2015, un assemblage de cépages blancs alsaciens) et quatre bouteilles d’un rouge (le côtes-du-rhône villages La Montagnette 2016, des Vignerons d'Estézargues). Toutes les bouteilles ont été goûtées le matin du premier jour, pour s’assurer qu’elles étaient uniformes, et pour établir une note de dégustation de référence. Les vins ont ensuite été dégustés environ 30 heures après l’ouverture, puis 4 jours après l’ouverture, et finalement une dernière fois 9 jours après l’ouverture. La même méthode de conservation était appliquée chaque fois après dégustation. Le blanc a été conservé au réfrigérateur, le rouge à la température de la pièce.