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Espagne

Reportages

Le goût de l’Espagne

Pour comprendre l’esprit des vignerons espagnols et de leurs plus grands vins, on doit tenir compte de deux grands facteurs: le temps et le chêne. L’élevage en fûts marque le style espagnol depuis deux siècles, avec un équilibre qui change beaucoup, depuis une trentaine d’années.

Publié le 20 octobre 2020

Une grande tradition

Historiquement, les meilleurs vins dans les régions comme la Rioja étaient généralement les gran reserva – grande réserve –, soit ceux qui avaient passé plusieurs années en fût de chêne avant d’être mis en bouteilles. Né lors de la seconde moitié du XIXe siècle, ce style est toujours mis de l’avant par des producteurs comme CVNE (Viña Real), Marqués de Murrieta ou López de Heredia.

Chez ces producteurs, le séjour en barrique peut atteindre 5, voire 10 ans. La lente oxydation donne alors au vin des reflets orangés et des arômes où quelques notes de fruits rouges sont accompagnées de tabac, de caramel et de notes balsamiques, voire même animales. C’est donc le temps passé en fût qui compte avant tout dans ce style, plutôt que les arômes de chêne comme on les conçoit aujourd’hui.

Le réputé journaliste et vigneron espagnol Victor de la Serna explique que, traditionnellement, les vignerons de son pays cherchaient même à modérer les notes de chêne: «Bien des caves ont longtemps rempli les fûts neufs avec du vin blanc pendant un an ou deux, afin de les rendre moins agressifs, avant d’y mettre les rouges.»

Ce n’est pas que le goût de bois soit totalement absent de ces vins traditionnels. Le chêne américain utilisé par les vignerons a des arômes assez prononcés et même en évitant les fûts neufs, on les perçoit encore quelque peu.

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L’élevage traditionnel des vins espagnols

JOVEN (jeune) : Vin âgé de deux ans ou moins, aucun élevage en barrique requis.

CRIANZA : Âge minimum à la mise en marché de deux ans, dont six mois en barrique pour les rouges, dix-huit mois pour les blancs.

RESERVA : Vin sélectionné pour sa qualité plus élevée. Âge minimum de trois ans, dont un an en barrique pour les rouges et six mois pour les blancs.

GRAN RESERVA : Sélection des meilleurs millésimes. Âge minimum de cinq ans, dont au moins deux en barrique pour les rouges, et de quatre ans, dont au moins un an en barrique, pour les blancs.

L’approche moderne

Ce style traditionnel est aux antipodes de la notion moderne de vin boisé, tel qu’on le retrouve pratiquement partout dans le monde de nos jours. Aujourd’hui, le séjour en barrique d’un vin rouge met en valeur son caractère jeune et fruité, et les arômes vanillés et épicés du chêne, plutôt que des notes oxydatives provenant de l’élevage. À partir des années 1980, cette approche moderne est montée à l’avant-plan, en Espagne, sous l’influence de leaders comme Alejandro Fernández (Grupo Pesquera) et aussi, de la critique internationale, de plus en plus conquise par le bois neuf et les vins violacés, concentrés et fruités. Les barriques françaises, vues comme plus fines, prennent le relais des américaines. Ce virage francophile vient d’abord des producteurs de nouvelles régions qui cherchent à se distinguer de la tradition (on pense à un innovateur comme Juan Gil, dans la région de Jumilla), mais elle rejoint bientôt la Rioja, dont plusieurs producteurs veulent rajeunir l’image.

Chez Barahonda, un domaine de la région de Yecla, c’est dans cet esprit qu’on a amorcé la production de vins, il y a une quinzaine d’années. La famille Candela, en créant le domaine, a commencé à vinifier en fût français de 500 litres, plus respectueux du fruit et du cépage, selon l’un des propriétaires, Alfonso Candela. Heurtant les règlementations très strictes liées à l’élevage, ses vins se retrouvent toutefois exclus des classements traditionnels: «Mon vin ne peut pas s’appeler crianza ou reserva, parce qu’il ne séjourne pas dans des barriques de 225 litres. C’est stupide et c’est trop rigide.» Camino Pardo, la copropriétaire de Bodegas Frontaura, dans la région émergente de Toro, explique que dans son cas, une certaine absence de tradition lui laissait carte blanche: «La région de Toro était très pauvre jusqu’à la guerre civile espagnole, dans les années 30. Il y avait peu d’argent pour acheter des barriques. Les vins étaient surtout vendus en vrac et envoyés dans la Rioja ou même à Bordeaux pour fortifier les vins de là-bas » Pour des vins comme l’excellent Aponte, elle et son mari ont donc choisi la barrique française, en laissant un long élevage en barrique et en bouteilles assouplir les vins, portés par l’intensité de vieilles vignes de tinta de toro, comme on appelle là-bas le tempranillo.

L’expression du terroir

Cette tendance moderniste, avec le bois neuf à l’avant-plan, a beaucoup marqué le vin espagnol. Le succès international espéré s’est fait sentir pour bien des régions, en particulier la Ribera del Duero, couronnée d’une grande renommée. Certains producteurs commencent toutefois à remettre cette pratique en question. Alfonso Candela avoue être passé de 100% de bois neuf à 30% aujourd’hui, histoire de laisser le monastrell et les qualités de son terroir s’exprimer plus librement. C’est avec cette même idée en tête que plusieurs jeunes producteurs privilégient des styles jeunes (jóven), sans passage en barrique neuve. Plusieurs se réjouissent aujourd’hui, comme Victor de la Serna, de voir les «soupes de chêne» se raréfier quelque peu et de constater qu’on met l’accent sur les particularités régionales, plutôt que sur la mode internationale. «Finalement, c’est comme à Bordeaux ou en Bourgogne, conclut de la Serna. Les méthodes de vinification et d’élevage se sont diversifiées et plusieurs grandes tendances [classique, moderne et “terroir”] se côtoient.» Une victoire pour la diversité, en fin de compte.

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