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Génération régénération: viticulture d'avant-garde

Rencontres

Génération régénération: viticulture d'avant-garde

Alors que la conscience écologique gagne du terrain, la viticulture régénérative (ou régénératrice) serait-elle la prochaine révolution? Rencontre avec Simon Naud, pionnier du mouvement au Québec, et Michel Gassier, héritier d’une longue lignée de vigneron.ne.s français.es.

Publié le 28 mars 2024

Au vignoble de La Bauge, à Brigham, comme au Château de Nages, dans les Costières de Nîmes, deux pionniers s’affairent à transformer le paysage viticole par l’agriculture régénérative. Cette démarche d’avenir puise dans les pratiques culturales ancestrales et modernes. «Parfois, on met en opposition le bio et la biodynamie, alors que l’agriculture régénérative intègre des techniques de tout le monde, pourvu que ça ait du sens », affirme Michel Gassier. Permaculture, agroforesterie, agriculture raisonnée, RSE, ESG, B-Corp: c’est une philosophie où toutes les bonnes idées sont acceptées! Le vigneron résume cette approche complexe en expliquant qu’elle se définit par la revitalisation de trois pôles fondamentaux: les sols, les écosystèmes et les communautés.

L’idée est d’instaurer une viticulture non seulement respectueuse de l’environnement, mais véritablement bénéfique pour la planète et les gens qui l’habitent. Elle pourrait même vraisemblablement contribuer à la lutte contre le changement climatique, comme nous le verrons plus loin. 

RÉGÉNÉRATION EN TROIS TEMPS

SOLS

Avec l’agriculture régénérative, on cherche à revenir à des sols naturellement fertiles, nourriciers. Cette régénération passe par une augmentation de la matière organique dans les sols. Comment? En récupérant et en compostant celle-ci plutôt que de la détruire, et en créant des couverts végétaux, entre autres. «Au lieu de laisser les sols nus, en sortie d’été, on vient semer pour que pendant toute la période de dormance de la vigne, il y ait des plantes qui poussent. Ces plantes vont contribuer à séquestrer le carbone de l’atmosphère puis, en les réincorporant au sol, vont enrichir la matière organique», explique Michel. Cette régénération a donc aussi «un effet très positif sur l’évolution climatique».

 

ÉCOSYSTÈMES 

La viticulture régénérative aspire également à restaurer la diversité des écosystèmes, depuis longtemps compromise par l’agriculture de masse. «Avec l’avènement de la mécanisation (...), on a créé d’immenses étendues de monocultures qui sont des non-sens écologiques. Ça a fragilisé nos sols, et on utilise des produits phytopharmaceutiques pour compenser.» La stratégie consiste donc à rompre avec la monoculture en réintroduisant une variété d’habitats naturels. «On vient remorceler les parcelles, intégrer différents types d’agricultures, des haies, garder des zones fleuries qui vont attirer les insectes, les oiseaux, etc. (...) Il faut une place pour tout le monde pour revenir à des écosystèmes plus régulés.» 

Michel souligne qu’une vigne peut abriter une centaine d’espèces différentes, dont trois seulement qui peuvent faire du tort à la vigne. «L’agriculteur régénératif va se demander: “Qu’est-ce que je peux favoriser qui va aider ma culture?” J’aide mes amis au lieu d’attaquer mes ennemis, en favorisant par exemple l’installation d’un prédateur qui éliminera ces trois espèces nuisibles et évitera leur prolifération. C’est comme ça qu’on restaure les écosystèmes.» Simon renchérit: «Une vigne plus stressée est plus sujette aux maladies, donc plus elle est stressée, plus il va falloir la traiter avec des produits chimiques de plus en plus forts pour la garder en vie. Et on ne veut pas aller là. On essaie plutôt d’aller vers la résilience du plant, pour qu’il soit en mesure de combattre lui-même ce que son milieu lui afflige.»

 

COMMUNAUTÉS 

Cet aspect passe par une dimension d’entraide entre agriculteur.trice.s, et par les conditions de travail sur le vignoble. «On vient notamment d’achever la construction de 25 maisons pour loger le personnel, et d’établir une bourse d’études en agriculture pour des gens des classes défavorisées», fait valoir Michel. La viticulture régénérative s’appuie aussi sur une solidarité entre agriculteur.trice.s; sur le partage des connaissances et des pratiques bénéfiques.

 

Une grappe de visionnaires

L’innovation a les racines profondes chez les Gassier. Michel, vigneron de quatrième génération, a embrassé la viticulture régénératrice sous l’influence de sa fille Isabel qui, après des études d’œnologie et viticulture en Suisse et une expérience significative en Californie, a ramené cette vision novatrice au domaine familial de Nîmes. «Elle s’est montrée extrêmement convaincante, et j’ai été convaincu!», raconte Michel. En 2021, elle est donc revenue au bercail pour aider son père à mettre cela en place et en 2023, leur domaine de 70 hectares est devenu le premier vignoble en France certifié en agriculture régénérative. Il faut dire que cette pratique s’inscrit dans un système de valeurs bien ancré.

 «Dans ma famille, on a fait nôtre une devise de Saint-Exupéry, qui disait: “On n’hérite pas d’une terre, on l’emprunte à ses enfants.” J’ai été élevé avec l’idée qu’on se doit de transmettre à la génération suivante quelque chose qui est au moins en aussi bon état, idéalement mieux, que quand on est arrivé aux commandes. Ça a toujours été ma philosophie et je souhaite que ma fille continue l’œuvre familiale.»

 

— Michel Gassier

Quant à Simon Naud, du vignoble de La Bauge, il s’est d’abord lancé dans l’aventure bio après 20 ans de métier en viticulture traditionnelle. À la fin de sa première saison, ayant troqué les herbicides contre le sarclage au tracteur, il a réalisé qu’il avait brûlé environ 3,5 fois la quantité de pétrole qu’il utilisait en viticulture conventionnelle et qu’il avait multiplié de beaucoup les passages au tracteur dans les champs, altérant ainsi la structure du sol. «J’ai dit “ça n’a pas de bon sens!” Je fais bio, mais je ne fais clairement pas écologique. Je suis en train de détruire mon lieu à long terme au nom de la santé des humains, mais pas de la planète. Et ça, ça ne me convenait pas.» Ce constat l’a poussé à adopter une approche qui chercherait à protéger à la fois l’environnement et le lieu. Depuis trois ans, sa parcelle d’un demi-hectare consacrée à l’agriculture régénérative est devenue un véritable laboratoire vivant. 

«Je mets plein de petites choses à l’essai, que je pourrai ensuite transposer à plus large échelle pour prouver que tout ça se peut sur un grand vignoble commercial.»

 

— Simon Naud

Des bienfaits gros comme le ciel

Comment se matérialisent ces principes sur le terrain? Au vignoble de La Bauge, Simon (qui est aussi éleveur d’une variété d’autres animaux) s’est notamment inspiré des pratiques observées en France, où les vigneron.ne.s utilisent des moutons pour désherber les vignes en hiver. «Je me suis dit que, puisqu’on a des vignes qui résistent au froid et qui poussent en hauteur, je pourrais peut-être pousser l’audace jusqu’à y mettre mes animaux en pleine saison pour qu’ils partagent le travail avec nous et prennent la partie désherbage!» Comme ils sont un peu partout dans la parcelle, ils contribuent aussi à la fertilisation des sols. Avec le temps, Simon a observé une réduction significative des interventions en tracteur, qui s’est traduite par des sols plus souples et par une augmentation de l’activité microbienne. «C’est tout un équilibre qui s’installe», constate-t-il. 

Michel a quant à lui commencé à créer ses propres composts, marquant un pivot vers une gestion plus circulaire des ressources. «On recycle tout ce qui est marc pressé, débris végétaux, fruits… Et on a maintenant l’essentiel du vignoble en couverts végétaux.» Il a d’ailleurs mis en œuvre un programme de plantation de haies et d’espaces boisés échelonné sur 10 ans. Des initiatives qui vont bien au-delà des limites des vignobles. 

«L’agriculture a contribué au dérèglement climatique, et peut être une source de solution si on va dans l’autre sens», affirme le vigneron. C’est que restaurer la matière organique dans les sols a un double avantage. «Le premier, c’est qu’on va restaurer la fertilité naturelle des sols et moins avoir besoin de produits exogènes de synthèse. Et le deuxième, c’est qu’on va faire de la séquestration de carbone.» Selon lui, si la plupart des agriculteur.trice.s de la planète basculaient en agriculture régénérative, «on pourrait avoir un impact très important sur le réchauffement climatique par l’effet de piège à carbone que ça va réaliser. Nous, on est aux balbutiements. Si on nous soutient, on pourra être des locomotives qui vont tirer les wagons derrière pour y arriver.» 

Moutons qui désherbent des vignes françaises

Moutons du vignoble de La Bauge

Champ libre au terroir

La transition vers une agriculture régénérative est une œuvre de patience, qui porte ses fruits petit à petit. «Tout ce qu’on change va mettre des années à apparaître», reconnaît Michel, qui a commencé à sentir une véritable évolution du profil de ses vins après 5 ans de conversion en agriculture bio. «Après, en agriculture régénérative, je crois qu’on va aller encore plus loin, notamment dans la notion de terroir, car moins on va utiliser de produits extérieurs, plus on va renforcer l’unicité de notre site. Donc, je pense qu’on va encore gagner dans l’équilibre des vins et dans l’expression unique de l’endroit d’où ils viennent.»

Simon est du même avis: «Moins on intervient et moins on dénature le produit, mieux le terroir va pouvoir s’exprimer. L’idée n’est clairement pas de copier un modèle étranger, mais d’établir le nôtre. Notre signature, nos vins, nos terroirs, nos saveurs. Je ne veux pas produire l’énième chardonnay de l’histoire. Je veux créer un vin authentique de chez moi, qui représente mon lieu et qui pousse naturellement chez nous.» Simon est du même avis:

«Moins on intervient et moins on dénature le produit, mieux le terroir va pouvoir s’exprimer. L’idée n’est clairement pas de copier un modèle étranger, mais d’établir le nôtre. Notre signature, nos vins, nos terroirs, nos saveurs. Je ne veux pas produire l’énième chardonnay de l’histoire. Je veux créer un vin authentique de chez moi, qui représente mon lieu et qui pousse naturellement chez nous.»

Tchin-tchin à l'avenir

Simon Naud et Michel Gassier partagent une vision optimiste de l’avenir de l’agriculture régénérative, malgré les défis qu’elle implique, tant au Québec que de l’autre côté de l’Atlantique. «Je suis un doux rêveur, mais je pense que c’est le futur de l’agriculture», déclare Michel, soulignant qu’une fois passé la période de transition, ce mode de culture ne coûte pas nécessairement plus cher que le mode traditionnel. Selon lui, ce grand virage vert devra passer par la valorisation. «Je pense qu’on ne pourra pas réussir cette révolution sans l’adhésion du consommateur. Au bout du bout, c’est lui qui achète la bouteille et qui boit le vin. Qu’il réalise le travail que ça demande, qu’il nous suive et nous accompagne.»

«Pour moi, l’agriculture de régénération est un engagement; un mouvement vers demain», seconde Simon. «Déjà, dans les années 80, on a repoussé les limites de la viticulture nordique vers le Québec, qui n’était pas une terre viticole auparavant», rappelle le vigneron bromois. «On est habitués de se réinventer. Donc déjà, on a des vignerons qui sont engagés envers une viticulture d’ici, (...) qui sont ouverts, qui veulent aller de l’avant, et qui ne demandent qu’à être inspirés pour aller plus loin. On a aussi un bon pourcentage de vignobles bio sur le lot. C’est certainement un facteur qui va nous aider à prendre ce virage dans le futur. (...)» 

Simon souhaite que le travail réalisé au vignoble de La Bauge puisse se multiplier et inspirer d’autres vigneron.ne.s du Québec, en faisant rayonner le potentiel et le rôle écologique et économique de l’agriculture régénérative. «Imaginez une forme de vignoble de demain qui soit plus résilient, tant pour la planète que pour la plante elle-même et les humains qui y travaillent», rêve-t-il tout haut. 

On ne peut qu’avoir envie de boire à leur coupe, à la santé de la planète!

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