C’est par un beau matin de mai qu’on discute avec Maxime en direct de Cacouna, communauté malécite située le long du fleuve, dans le Bas-Saint-Laurent. Après avoir fait ses armes dans les meilleures cuisines de la capitale (notamment au réputé restaurant Légende et à l’Hôtel-musée Premières Nations), dirigé son propre restaurant (L’Introuvable), lancé une gamme de produits boréaux et fait briller le terroir québécois en France et en Belgique, Maxime est de retour au bercail pour développer l’offre de restauration locale.

Impliqué dans sa communauté, des racines aux feuilles

« J’ai eu la chance d’être “repêché” par ma première nation! », lance Maxime en riant. C’était lors du pow-wow 2022 de Cacouna, où il était responsable de l’offre alimentaire. Lorsqu’il a annoncé au directeur général et à Jacques Tremblay, grand chef de la première nation Wolastoqiwik Wahsipekuk de Viger, qu’il quittait la barre de son restaurant en Beauce, les deux se sont regardés et se sont exclamés : « C’est le temps qu’on l’embarque dans nos projets! ». « Donc ça fait depuis janvier que je suis ici », résume le principal intéressé.

Et des projets, cette communauté en pleine effervescence en a tout un chaudron. Station d’observation du béluga, parc côtier, poissonnerie approvisionnée par les pêches locales : « Je travaille sur toutes les offres alimentaires qui doivent [se retrouver] dans ces places-là. Parce que la gourmandise, c’est un excellent véhicule pour toutes les activités possibles! », estime Maxime. « Donc en ce moment, je suis un peu SCF : sans cuisine fixe! », ajoute-t-il non sans humour.  Et il le sera encore pour un bon bout de temps, l’ouverture de son prochain restaurant étant prévue dans une quinzaine de mois. « Moi, mon objectif à long terme, c’est vraiment de faire rayonner la culture », affirme-t-il. « Je travaille sur un concept qui se tient des racines jusqu’aux feuilles pour donner une ligne directrice très forte au restaurant. C’est un long processus, mais j’ai très hâte! Lentement mais sûrement, on va arriver à quelque chose d’assez incroyable ici, à Cacouna. » 

Entretemps, Maxime sera chef exécutif du festival KWE!, et, cette année encore, il signera la programmation gastronomique du pow-wow de Cacouna, les 19 et 20 août prochains. 

Le chef Maxime Lizotte

Faim de culture(s)

Selon Maxime, qui prône une cuisine de saison et une agriculture de proximité depuis ses débuts, « il y a un engouement certain pour la consommation locale, sans que ce soit nécessairement autochtone. Les gens sont de plus en plus épicuriens aussi. Et ça, on le doit [notamment] à l’immigration. » Que veut-il dire par là? 

« On parle souvent de retour aux sources, des premiers qui étaient sur le territoire autochtone, mais l’immigration a apporté une plus grande ouverture d’esprit. Et comme les Autochtones, on est une minorité sur notre territoire, c’est comme si on était une culture immigrante aux yeux des gens. D’avoir des sushis, des restos indiens, thaïlandais… La découverte de nouvelles cultures – au pluriel –, je pense que ça facilite beaucoup le travail d’ouverture d’esprit des gens face à la culture autochtone, qui est souvent pour eux une “nouvelle” culture. »

Place au plat de résistance

Quand on lui demande d’où lui est venue l’idée d’un menu entièrement concocté sur le gril, Maxime répond qu’en ce début de saison du BBQ, il a eu envie de proposer quelque chose d’accessible, à l’image de la cuisine d’antan et des méthodes ancestrales de cuisson sur le feu.

« La cuisine autochtone ancestrale est très de base, très survivaliste », raconte-t-il. « Il n’y avait pas de sel, sauf dans les villes côtières qui étaient au bord de l’eau salée. La bannique, on la faisait sèche et dense pour qu’elle se conserve longtemps. La viande était séchée, réduite en poudre, mixée avec de la graisse; c’était pas pour que ça goûte nécessairement très bon! C’est sûr que moi, je veux que ça goûte bon (rires), mais j’ai quand même souhaité rester dans quelque chose de très simple. » 

Si vous avez accès à un BBQ suffisamment spacieux, faites cuire le canard en même temps que la courge à chaleur indirecte. Le homard, quant à lui, se préparera en un tournemain au moment de servir. Suivez le même ordre pour la cuisson au four!

ACCORDS VINS ET METS

« En fait, “Wolastoqiwik” veut dire “les gens de la rivière Wolastoq”, ce que les gens d’aujourd’hui appellent la rivière Saint-Jean », explique Maxime au sujet du nom de sa première nation. «“Wahsipekuk”, ça désigne le fleuve Saint-Laurent. [On] a vraiment un lien très fort avec l’eau, alors c’était important pour moi de faire un clin d’œil à ça. La semaine dernière, on faisait l’inauguration du homardier, alors ça allait de soi que j’allais [en] cuisiner! » Ça coule de source : il propose ici une version à la bonne franquette de ce fin délice des mers. 

ACCORDS VINS ET METS

Soyez averti.e.s : vous risquez fort de ne pas trouver de raisin sauvage, une plante indigène plutôt rare qui pousse le long de certains cours d’eau et que les peuples autochtones ont fait découvrir à l’explorateur Jacques Cartier dès 1535! Maxime suggère de le remplacer par du cassis, très similaire au goût. « On a plein de beaux producteurs de cassis au Québec, à l’île d’Orléans notamment », indique le chef, qui utilise une branche de sapinage pour laquer le canard pendant la cuisson!

ACCORDS VINS ET METS

« La cuisine autochtone est une cuisine de saison, et ma cuisine aussi! », affirme Maxime. Si en début d’été, on n’a pas beaucoup de fruits de saison au Québec, on a de la courge à l’année! Ici, le mélilot (la vanille boréale!) et l’essence de peuplier « vont donner un côté [citrouille épicée] à la garniture de la tarte ». Encore une fois, ces ingrédients traditionnels peuvent être remplacés par ce que vous avez dans le garde-manger, mais sachez que de plus en plus d’entreprises d’ici, comme Gourmet Sauvage, proposent de tels produits.

Woliwon komac (merci) et bon appétit!