Lorsque Paul Toussaint se remémore les Noëls de son enfance, à Jacmel, en Haïti, il pense d’abord à la musique. « Tout le monde jouait sa musique de Noël à fond. Dans les Caraïbes, il n’y a pas de fenêtres : c’était un combat de décibels! » Il se rappelle aussi les chandelles qu’on allumait et, surtout, du festin qu’on servait. Chaque membre de sa famille y allait de sa spécialité : jambon à l’ananas et au rhum, lasagne, riz aux champignons djondjon (« Ce sont nos truffes haïtiennes! »), tarte à l’oignon (« Une pâte feuilletée avec de la béchamel, des lardons et des oignons. C’est malade! ») et dinde aux épices. « En Jamaïque, on appelle ça “jerk”; en Amérique latine, “mojo”; en Haïti, on dit seulement “épices”. C’est un mélange d’oignon, d’ail, de poivron, de thym et de persil, auquel on ajoute soit de la lime, du vinaigre ou du jus d’orange amère », explique-t-il.
Pour dessert, on trempait un gâteau sec dans la crémasse, une boisson à base de noix de coco, de lait condensé, de rhum et d’épices, dont la cannelle et la muscade (« un peu comme le eggnog ») ou on se régalait de gâteau renversé au rhum et aux fruits. « Les enfants se retrouvaient à manger du gâteau dans un coin. Un seul morceau, et on était joyeux! », raconte le chef du Kamúy, les yeux brillants. Le Montréalais d’adoption a appris à apprêter plusieurs de ces délices lorsqu’il était encore enfant.
« J’ai été chanceux et malheureux : à l’âge de sept ans, ma famille a déménagé au Québec et je suis resté en Haïti. Le samedi, ma gardienne cuisinait pour la semaine et, un jour, elle m’a dit : “Si tu apprenais à cuisiner, au moins tu pourrais m’aider”. Pendant que les autres jouaient au soccer, moi, je restais dans la cuisine. C’était mon devoir, mais aussi mon amusement. »
Un métier de coeur
C’est ainsi que le jeune Paul a appris les spécialités haïtiennes, dont certaines figurent aujourd’hui à la carte du Kamúy. Il mentionne au passage le poisson frit en sauce, le griot (une épaule de porc braisée), le tasso de cabri (des morceaux de chèvre frits) et son plat préféré, au simple nom de « légume » : un ragoût à base d’aubergine, de chayotte, de chou et de carotte, avec des fruits de mer, du porc ou du bœuf.
Ce n’est que des années plus tard, après avoir rejoint sa famille à Montréal, que Paul a découvert sa vocation. À l’époque, il avait entamé des études en droit et, dans ses temps libres, il regardait des émissions comme Les chefs! et la chaîne Food Network. « J’aimais cuisiner, mais je n’avais jamais pensé faire ça comme métier. Un matin, je me suis réveillé et j’ai dit à mon papa : “Je veux faire autre chose”. » The rest is history, comme on dit. Après avoir fait ses classes au prestigieux Toqué! et pris les commandes de la cuisine du Agrikol, il ouvrait, en 2020, son propre restaurant sur la place des festivals : le Kamúy. Tout ça, il le doit à sa gardienne, qui lui a tout appris. « C’est un cadeau qu’elle m’a offert : une vie, mon métier de cœur », dit celui qui, aujourd’hui, se fait un devoir d’enseigner la cuisine à ses deux enfants.
Tourtière et jambon à l'ananas
Les feuilles avaient à peine commencé à rougir que, déjà, Paul commençait à regarder les arrivages pour sa « boîte à vin du temps des Fêtes ». Sans compter son gâteau renversé au rhum et aux fruits, qu’il prépare deux mois à l’avance. Aujourd’hui, le chef célèbre le temps des Fêtes entre Montréal, les Caraïbes et Boston, où habite la sœur de sa femme. Si quelques classiques québécois, comme la tourtière, se retrouvent sur sa table, il fait encore honneur aux traditions de son enfance en servant de la crémasse, du riz aux champignons djondjon, de la tarte à l’oignon, et du jambon à l’ananas et au rhum. « C’est un jambon à l’os piqué de clous de girofle et de bâtons de cannelle. On le fait cuire deux heures dans un beau bouillon de poulet avec du rhum, de l’ananas et du miel. Moi, je remplace le miel par du sirop d’érable. Ça caramélise, et ça sent vraiment bon dans la maison! »
Le chef en fait aussi profiter la clientèle du Kamúy, en leur offrant la possibilité de commander un menu des Fêtes pour emporter. Il raconte d’ailleurs que plusieurs membres de la diaspora haïtienne réservent chaque année ce festin par nostalgie. Ou, comme il le dit si bien : « pour avoir le corps au Québec, et les îles dans la bouche! »
À boire!
Avec quoi accompagne-t-on le jambon à l’ananas et au rhum de Paul Toussaint? « Le mieux, c’est un cocktail, comme un ti-ponch, un rhum planteur ou un mojito », affirme le principal intéressé. Si on préfère les vins, il conseille d’aller du côté de l’Alsace ou du Jura, pour les notes de fruits mûrs, ou d’opter plutôt pour des blancs secs, comme un sancerre ou un chablis. Lui, préfère encore un bon verre de rhum!
Jambon au rhum et à l'ananas
Préparation 30 à 45 minutes
Cuisson 1h30 à 2h heure
Portions 8 à 10
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